Article du FIGARO par Cécile THIBERT cite Sandra Fiorin
Les brûleurs de graisse, coupe-faim et autre produits drainants sont-ils à la hauteur de leurs promesses ?
Gélules coupe-faim, comprimés brûleurs de graisse, tisanes drainantes… En pharmacie ou parapharmacie, dans les magasins bio ou sur internet, on ne compte plus les compléments alimentaires qui prétendent faire fondre les kilos en quelques semaines. Et avec près de la moitié de la population française en surpoids ou obèse, ces promesses séduisent encore et toujours. Selon les derniers rapports du syndicat national des compléments alimentaires, il s’est vendu pour au moins 84,4 millions d’euros de produits minceurs 2019. L’engouement pour ces produits semble toutefois décliner, avec une baisse de 15% enregistrée en pharmacie entre 2018 et 2019.
Mais peut-on vraiment perdre du poids en faisant une cure de gélules ? Que contiennent ces produits ? Quelle est leur action et ont-ils une réelle efficacité ?
De quoi parle-t-on ?
On peut classer schématiquement ces produits en trois grandes catégories:
Les coupe-faim
Ces produits déclenchent la satiété. «Le principe est simple : on leste l’estomac avec des substances qui ne nourrissent pas, mais qui permettent de faire passer momentanément la sensation de faim
», explique Sandra Fiorin, diététicienne nutritionniste. Les substances en question sont des fibres que l’on trouve dans des algues, dans la peau de certains fruits ou encore dans l’enveloppe de certaines graines. On peut citer le fucus, la pomme, la gomme guar, le konjac, le karaya ou encore le nopal.
«Mises au contact de l’eau, ces fibres vont gonfler et former une gélatine. C’est une action qui peut être intéressante pour les gens qui ont un gros appétit», indique la diététicienne.
«Ce n’est pas dangereux pour la santé mais cela peut provoquer des ballonnements et des diarrhées». Dans cette catégorie, seul le konjac – une plante originaire d’Asie – est autorisé par les autorités françaises et européennes à afficher l’allégation «perte de poids», à condition de préciser que sa prise doit s’accompagner d’un régime pauvre en calories.
Les brûleurs de graisse ou de calories
«Le principe est d’utiliser des substances qui augmentent le métabolisme de base ,c’est-à-dire la consommation d’énergie quand l’organisme est au repos», explique le Pr Boris Hansel, médecin nutritionniste à l’hôpital Bichat*. Les stars de ce rayon sont les plantes contenant de la caféine, comme le thé vert, le maté, le kola et le guarana. Boire une tisane ou avaler une gélule pour « brûler» sa graisse en restant sur son canapé ?
L’idée est belle, mais elle est évidemment bien éloignée de la réalité. «Il est vrai que la caféine augmente les dépenses énergétiques, mais l’impact sur le poids n’est pas significatif», prévient le médecin.
D’autant que, si certains composés ont effectivement fait la preuve de leur action (comme la caféine), ils sont en pratique présents en très faible quantité. «On sait que pour avoir une augmentation de la thermogenèse et de la dépense énergétique, il est nécessaire d’apporter au moins 100 à 400 mg par jour de caféine», rappelle Marie Ohanian dans sa thèse de pharmacie. «Or la plupart des compléments alimentaires minceurs contiennent entre 25 et 91 mg de caféine totale », soulignait la pharmacienne à propos de trois produits phare (Anaca 3+ perte de poids, OEnobiol minceur tout en 1, Xtra Slim capteur 3 en 1).
Un exemple qui ne serait pas rare. «Il faut voir dans quelle mesure le produit contient une dose significative de principe actif», confirme le Pr Hansel. «Souvent, l’effet est prouvé pour des doses nettement supérieures à celles contenues dans le complément alimentaire.»
Les produits drainants
Citons le thé vert, la queue de cerise, la reine-des-prés ou encore le bouleau. «Ils n’ont pas d’action directe sur le métabolisme. Ils conduisent seulement à uriner et donc à boire davantage, mais si on a 15 kilos à perdre, ça ne va pas aider : on n’urine pas du gras», souligne Sandra Fiorin.
«L’idée que l’on va éliminer des produits toxiques et perdre du poids si l’on urine beaucoup est totalement erronée», rappelle le Pr Boris Hansel. «C’est un concept inventé par le marketing. Médicalement, rien ne peut justifier de prendre des diurétiques pour perdre du poids.»
Notons que ces compléments alimentaires sont déconseillés aux insuffisants cardiaques, aux hypertendus, aux personnes souffrant d’insuffisance rénale et aux femmes enceintes ou allaitantes car ils entraînent la fuite de sels minéraux.
Quelles preuves d’efficacité ?
«Même s’ils ont parfois l’apparence de médicaments, tous ces produits sont des compléments alimentaires.
À ce titre, les fabricants n’ont pas besoin de réaliser d’essais cliniques pour que leur produit soit autorisé, contrairement aux médicaments», explique le Pr Boris Hansel.
Autrement dit, les compléments alimentaires sont donc vendus sans aucune assurance que les promesses inscrites sur la boîte soient vraies.
De même, aucun test de toxicité n’est demandé. «Très souvent, ces allégations s’appuient sur des arguments historiques des compléments alimentaires avec notamment un usage ancestral d’une plante mais qui ne veut pas forcément signifier que la plante est réellement efficace», souligne la pharmacienne Marie Ohanian dans sa thèse («Analyse critique des compléments à visée minceur») récemment publiée.
« Contrairement aux médicaments, les fabricants n’ont pas besoin de réaliser d’essais cliniques pour que leur produit soit autorisé. » Pr Boris Hansel, médecin nutritionniste à l’hôpital Bichat.
Pour mettre en vente son produit, une entreprise n’a qu’à déclarer son produit auprès de la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui vérifie que les ingrédients et les allégations mentionnées sont conformes au règlement.
Celles-ci sont par ailleurs étroitement réglementées, même si elles laissent parfois planer le doute pour le consommateur.
Par exemple, la loi «n’autorise pas les allégations faisant référence au rythme ou à l’importance de la perte de poids sur les denrées alimentaires (exemple : moins 10kg en 1 mois) »,explique la DGCCRF au Figaro. En revanche, «le terme ”minceur” peut être employé», précise l’institution de contrôle. Trompeur.
L’industriel est donc responsable de sa conformité en termes de sécurité et d’information, mais rien ne garantit que les promesses inscrites sur la boîte sont exactes.
«Certains fabricants se contentent de faire des enquêtes de satisfaction, d’autres font tout de même ce qu’ils appellent des tests cliniques», précise le Pr Hansel.
«Ils vont par exemple mesurer le tour de taille de 50 personnes avant et après une cure de leur produit. Mais il n’y a jamais de groupe contrôle donc les résultats ne valent rien. ”Testé cliniquement”, cela ne veut strictement rien dire», prévient le nutritionniste, qui a été plusieurs fois approché (en vain) par des entreprises souhaitant le voir superviser des pseudo-études de ce type.
Que disent les études scientifiques ?
Très récemment, des médecins et universitaires américains ont entrepris de recenser toutes les études sérieuses et indépendantes sur les produits minceur. Leur travail, publié en 2021 dans la revue Obesity, a permis de rassembler 315 essais cliniques réalisés depuis 2018. Des études qui, pour la plupart, se sont révélées être de piètre qualité : faible nombre de participants, durée de suivi trop courte, méthodologie bâclée, nombreux biais perturbant les résultats…
«Malgré le fait qu’il existe un certain nombre d’études évaluant l’efficacité des compléments alimentaires dans la perte de poids, il n’existe pas de preuves solides de l’efficacité de ces produits », concluent les auteurs.
Une autre étude, dévoilée cette année lors du Congrès européen sur l’obésité, va dans le même sens. Elle conclut même qu’aucun complément alimentaire ne permet d’obtenir une perte de poids « cliniquement significative » (au moins 2,5 kilos).
«Cela ne veut pas dire qu’aucun de ces compléments alimentaires n’a d’effet, mais si effet il y a, il ne peut être que minime », estime le Pr Jean-Marie Bard, pharmacien et professeur de biochimie à l’université de Nantes.
«Ces produits peuvent toute fois avoir un effet placebo. Quand on est persuadé que quelque chose fonctionne, cela peut avoir un impact.»
« Le fait d’acheter une boîte de gélules à 50 euros peut encourager les gens à faire plus attention à leur santé et à leur alimentation », ajoute Sandra Fiorin. « Mais prendre ces produits sans réduire en parallèle ses apports en lipides et en glucides et sans faire d’activité physique ne sert à rien.»
Quoi qu’il en soit, nous sommes loin des promesses faites par les fabricants, comme l’on pouvait s’en douter. « S’il existait une pilule miracle, je serais au chômage », sourit Sandra Fiorin.
« Il existait bien des médicaments qui permettaient de perdre du poids ,mais ils ont presque tous été retirés du marché en raison d’effets indésirables graves ». Le Mediator en est sans doute l’exemple le plus emblématique.
Ce médicament, initialement indiqué dans le traitement du diabète de type 2, a été détourné et prescrit comme coupe-faim aux personnes en surpoids. Toxique pour les valves cardiaques, le médicament est accusé d’avoir causé la mort de 1500 à 2100 personnes, sans compter celles qui souffrent encore aujourd’hui des conséquences des effets indésirables.
Contrairement à une idée très répandue, les compléments alimentaires sont eux aussi loin d’être anodins. En 2020, l’Agence de sécurité sanitaire a ainsi alerté sur lap-synéphrine, une substance présente dans l’écorce d’orange amère, qui est aussi un ingrédient de nombreux compléments alimentaires minceur. Une surdose peut entraîner des effets graves au niveau cardiovasculaire, hépatique, ou encore neurologique.
https://www.lefigaro.fr/sciences/les-produits-minceur-font-ils-vraiment-maigrir-20211104